Pour les employeurs, les absences prolongées pour maladie représentent des enjeux aussi bien humains qu’organisationnels. Pour différentes raisons, il arrive qu’un employeur envisage la possibilité de mettre fin à l’emploi d’une personne en arrêt de travail. La question qui se pose donc : est-il légal de congédier une personne en arrêt maladie?
La réponse n’est ni universelle ni absolue. Elle dépend de plusieurs facteurs, notamment la durée de l’absence et la probabilité de retour au travail.
À noter : le présent texte traite uniquement des absences pour maladie non reliées au travail et de l’application de la Loi sur les normes du travail (LNT). Les situations impliquant une lésion professionnelle ou une maladie professionnelle relèvent plutôt de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) et de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP).
- Le droit du/de la salarié(e) de s’absenter pour maladie
Dès qu’une personne informe son employeur qu’elle est en arrêt de travail pour des raisons de santé, elle bénéficie d’une protection d’emploi prévue par la Loi sur les normes du travail (LNT). Cette protection s’applique jusqu’à concurrence de 26 semaines au cours d’une période de 12 mois.
Durant cette période, l’employeur a l’obligation de maintenir le lien d’emploi avec la personne absente et de veiller à la protéger contre toute forme de représailles à cet égard.
Cependant, cette obligation ne signifie pas que l’employeur doive s’abstenir de toute communication. Au contraire, un suivi raisonnable peut être effectué pendant l’absence, tant qu’il respecte les droits de l’individu concerné et les limites encadrées par la Loi. Il est donc essentiel de connaître les bonnes pratiques en la matière pour éviter tout manquement.
L'absence débute : que peut exiger l’employeur?
Depuis l’entrée en vigueur, en janvier 2025, de la Loi visant principalement à réduire la charge administrative des médecins (PL-68), les employeurs ont dû adapter leurs pratiques de gestion des absences, vu la modification de certaines règles visant à interdire d’exiger des billets médicaux.
Désormais, un employeur ne peut exiger de document médical pour justifier les 3 premières absences de 3 jours consécutifs ou moins dans une période de 12 mois.
Cependant, un document justificatif peut être exigé de tout membre de l’équipe dans les situations suivantes :
- L’absence dure plus de 3 jours consécutifs;
- Il s’agit d’une quatrième absence ou plus au cours d’une période de 12 mois.
Il est fortement recommandé de tenir un registre rigoureux des absences dans les dossiers des employé(e)s. Cette pratique permet non seulement un suivi efficace, mais aussi de s’assurer du respect des limites légales applicables en matière de demandes de justificatifs.
En résumé, la règle établie veut qu’il soit interdit à un employeur de congédier une personne qui s’absente du travail, sous réserve que cette absence soit légale. Lorsque celle-ci s’absente de manière illégale, sans droit, l’employeur doit tout de même agir avec prudence avant de prendre une décision.
- Pendant l’arrêt de travail : peut-on envisager une fin d’emploi?
Bien que l’employeur doive respecter la garantie d’emploi offerte par la Loi sur les normes du travail (LNT), cette protection n’est pas absolue. Dans certaines circonstances exceptionnelles, l’employeur peut envisager une fin d’emploi légale, même pendant l'absence.
- Motif étranger à l’absence
Si un employeur envisage de mettre fin à l’emploi durant la période de maintien de l’emploi d’un(e) travailleur(euse), il doit être en mesure de démontrer que la décision est fondée sur un motif totalement étranger à l’absence pour maladie. Autrement dit, l’absence ne doit en aucun cas influencer ou motiver la décision. À défaut, l’employeur s’expose à une présomption de représailles ou de sanction injustifiée.
La personne salariée pourrait alors déposer une plainte en vertu de l’article 122 de la Loi sur les normes du travail (LNT), qui protège les salariés contre toute mesure de représailles liée à l’exercice d’un droit prévu par la Loi, comme celui de s’absenter pour des raisons de santé.
- Motif disciplinaire ou frauduleux
Dans certaines situations, il peut arriver que le congédiement soit justifié, même pendant un arrêt de travail, lorsqu’il repose sur un motif disciplinaire ou frauduleux clairement établi, par exemple :
- Une absence non autorisée, prolongée sans justification ou prolongée indûment;
- Une fausse déclaration concernant l’état de santé;
- La participation à des activités incompatibles avec l’incapacité alléguée.
Dans ce cas, l’employeur doit respecter le processus disciplinaire en vigueur, informer l’employé(e) concerné(e) des manquements reprochés, respecter les droits du salarié et documenter les motifs invoqués. La preuve doit être précise, rigoureuse et obtenue légalement, car un congédiement en contexte d’arrêt de travail est toujours scruté de près en cas de litige.
- À l’approche de 26 semaines d’absence : quoi vérifier?
Lorsque l’absence se prolonge et que la fin de la période de protection d’emploi de 26 semaines approche, l’employeur peut envisager de mettre fin à l’emploi, mais ce choix ne doit pas être systématique; il doit d’abord procéder à une évaluation rigoureuse de la situation et être en mesure de justifier que la fin d’emploi est appropriée, en examinant notamment :
- Perspectives de retour à court terme
La première question à se poser en fin de période de protection est la suivante : le(la) travailleur(euse) est-il(elle) en mesure de réintégrer son poste dans un avenir ? Cette analyse doit reposer sur des informations médicales crédibles, précises et à jour. Une collaboration active entre la personne concernée, l’employeur et, au besoin, les professionnels de la santé est essentielle.
- L’obligation d’accommodement
L’employeur a l’obligation légale de démontrer qu’il a sérieusement exploré toutes les mesures d’accommodement possibles, telles qu’un retour progressif au travail, des tâches allégées ou une modification temporaire des conditions de travail.
Cette obligation découle de la Charte des droits et libertés de la personne et s’applique lorsqu’il y a présence d’un handicap (physique ou psychologique). Elle prend fin lorsqu’elle impose une contrainte excessive, ce qui doit être évalué au cas par cas.
- Le caractère excessif de l’absentéisme
En fin de période de protection, l’employeur peut également évaluer si l’absence prolongée engendre une contrainte excessive pour l’entreprise. Toutefois, une absence prolongée ne constitue pas, à elle seule, une cause suffisante pour un congédiement. L’employeur devra démontrer que le maintien du lien d’emploi devient objectivement déraisonnable, compte tenu de l’ensemble des circonstances.
- Après 26 semaines : on congédie sur le champ?
Une fois la période de 26 semaines écoulée, la protection d’emploi offerte par l’article 79.1 de la Loi sur les normes du travail (LNT) ne s’applique plus. Toutefois, si le(la) salarié(e) compte au moins 2 ans de service continu, la personne demeure alors protégé par l’article 124 de la Loi sur les normes du travail (LNT), qui interdit tout congédiement cause juste et suffisante.
Le congédiement pourra être envisagé pour motif administratif, à condition que l’employeur puisse démontrer :
- Que le retour au travail est improbable à court ou moyen terme;
- Que l’absence nuit significativement au bon fonctionnement de l’entreprise;
- Que des mesures raisonnables d’accommodement ont été tentées, sans succès.
La décision doit être documentée, fondée sur des faits concrets, et non sur des impressions ou des suppositions.
Et attention, la personne employée qui ne justifie pas 2 ans de service continu pourrait toutefois bénéficier de d’autres recours, selon les circonstances, notamment porter plainte à la CNESST pour pratique interdite ou à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, selon les circonstances.
En conclusion : rigueur, prudence et documentation
Mettre fin à l’emploi d’un(e) salarié(e) en arrêt de travail pour cause de maladie n’est pas forcément illégal; il s’agit cependant d’une démarche délicate, qui doit être planifiée et justifiée.
Un employeur qui agit de manière précipitée ou sans avoir considéré l’ensemble des droits et obligations en jeu s’expose à des recours sérieux, que ce soit en vertu de l’article 122 de la Loi sur les normes du travail (LNT) (pratique interdite) ou de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail (LNT) (congédiement sans cause suffisante).
En cas de doute, il est fortement recommandé de consulter un professionnel qualifié en ressources humaines avant . Une approche bien encadrée, réfléchie et conforme à la Loi représente un investissement intelligent.