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26 septembre 2024

La conformité : un enjeu majeur pour les employeurs québécois

La conformité, souvent perçue comme un fardeau, est en réalité un pilier fondamental de la gestion d'une organisation. Dans un monde en perpétuelle évolution législative, comprendre et respecter des normes est essentiel non seulement pour éviter des sanctions, mais aussi pour instaurer un climat de confiance autant à l’interne qu’à l’externe.

La conformité : parlons-en !

Bien qu’elle suscite rarement l’enthousiasme, la conformité est un aspect incontournable et intrinsèque de la bonne gestion d’une organisation. Nous vivons dans un État de droit et pratiquement toute action ou inaction est légalement encadrée, ce qui est d’autant plus vrai quand on est employeur. On a tous déjà entendu l’adage : « Nul n’est censé ignorer la loi ». Il s’agit en fait d’un principe de droit applicable selon lequel on ne peut se défendre de ne pas avoir respecté la loi en raison de sa méconnaissance ou d’une compréhension erronée de celle-ci.

En tant que propriétaire ou gestionnaire d’une organisation, il est donc crucial de connaître les règles applicables et de vous tenir informé en continu. Mais comment vous assurer de ne pas perdre le fil dans un contexte où les règles sont si nombreuses et en constante évolution ?

En effet, des lois sont adoptées, d’autres sont abrogées ou modifiées, que ce soit par des précisions apportées par l’adoption de règlements, la publication de lignes directrices ou les décisions rendues par les tribunaux.

Cet article s’adresse à vous, employeurs québécois qui, dans les dernières années, avez fait face, disons-le, à plusieurs défis de taille en lien avec la conformité.

Commençons par quelques exemples de modifications législatives qui ont forcé les employeurs à s’adapter et parfois même à revoir certains aspects relatifs à la gouvernance, afin de demeurer conformes et de limiter les risques de sanctions.

 

Quelques exemples de changements législatifs récents

La santé et la sécurité au travail

La prévention de la santé et de la sécurité des travailleurs est une part importante de la responsabilité d’un employeur. C’est en 2021 que la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail [i] (aussi connue sous le nom de Loi 27) a été sanctionnée, constituant ainsi une réforme majeure en matière de prévention et de réparation des lésions professionnelles. La majorité des dispositions sont en vigueur depuis janvier 2024, bien que certaines soient encore en attente de date d'application.

Les modifications apportées par cette loi sont nombreuses et touchent tous les employeurs québécois. Des changements vastes et significatifs ont été apportés à l’application des mécanismes de prévention et de participation des travailleurs. Par exemple, dorénavant, les programmes de prévention devront tenir compte des risques psychosociaux, tels que le harcèlement psychologique et la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel.

Dans ce contexte, où la responsabilité des employeurs en matière de santé et de sécurité des employés est croissante, il est plus pertinent que jamais d’investir dans la prévention des risques (modification du lieu de travail, formation des employés, etc.).

Le harcèlement et la violence au travail

En ce qui concerne le harcèlement psychologique et la violence, ceux-ci constituent des risques psychosociaux que l’employeur est tenu de prévenir et de faire cesser, le cas échéant. La Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail [ii] (Projet de loi 42) a été sanctionnée le 27 mars 2024, avec pour objectif de combattre la présence de telles situations en milieu de travail et de garantir un traitement juste et confidentiel des cas signalés.

D’ailleurs, les employeurs ont jusqu’à demain, soit le 27 septembre 2024, pour mettre à jour leur politique et y inclure les éléments obligatoires, énumérés à l’article 81.19 de la Loi sur les normes du travail (description des méthodes pour identifier, contrôler et éliminer les risques de harcèlement ou de violence, description des programmes d’information et de formation offerts aux employés, etc.). Il est à noter que cette politique doit faire partie intégrante du programme de prévention.

Le français au travail

Le projet de loi 96 a été sanctionné le 1er juin 2022 et est devenu la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français [iii]. Cette réforme majeure de la Charte de la langue française [iv] de 1977 vise à reconnaître le droit des employés d’exercer leurs activités en français. Les employeurs doivent justifier toute exigence d’une autre langue pour l’emploi et s’assurer que tous les affichages de poste, offres d’emploi, contrats de travail et communications soient rédigés en français et conformes aux règles établies.

À noter que l’entrée en vigueur de deux articles, lesquels ont pour effet de modifier la Charte de la langue française, a été temporairement suspendue par la Cour supérieure jusqu’à ce qu’un jugement final soit rendu [v].

La protection des renseignements personnels

Dans l’ère actuelle, où les technologies sont intégrées à nos habitudes, il était opportun pour le gouvernement de moderniser les règles encadrant la protection des renseignements personnels. La Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels [vi] (plus connue sous l’appellation de Loi 25) a été sanctionnée en 2021. Bien qu’elle soit entièrement entrée en vigueur le 22 septembre 2024, de nombreux défis subsistent pour la majorité des organisations québécoises.

Les outils technologiques ont révolutionné nos méthodes de travail, rendant celles-ci plus efficaces, mais aussi plus vulnérables. L’objectif ultime de cette réforme est de donner un plus grand contrôle aux citoyens sur leurs renseignements personnels. Les mesures prévues peuvent être regroupées en trois axes principaux :

  1. Le traitement des renseignements personnels (cycle de vie) : Les organisations doivent respecter plusieurs règles lors de la collecte, de l’utilisation, de la communication, de la conservation ou de la destruction de renseignements personnels concernant des employés ou d’autres personnes (clients, bénévoles, stagiaires, etc.).
  2. Les droits des personnes concernées : Les individus ont le droit d’être informés du traitement réservé à leurs renseignements personnels, de la collecte à la destruction. Ils disposent de divers droits, notamment d’accès et de rectification.
  3. La gestion des incidents de confidentialité : Un processus de gestion des incidents de confidentialité a été établi. Lorsqu’un incident survient, le processus doit être scrupuleusement respecté.

Ces règles s’appliquent également aux renseignements personnels concernant les employés. L’employeur doit mettre en place des pratiques et s’assurer qu’elles soient respectées et appliquées par l’ensemble des employés. À noter que les renseignements de santé et sociaux sont exclus de cette loi, régis par la Loi 5, entrée en vigueur le 1er juillet 2024.

Et cetera…

Ces exemples ne sont qu’un aperçu des règles faisant partie du cadre législatif et réglementaire assujettissant les organisations et employeurs du Québec. Une situation de non-conformité aux règles applicables peut entraîner de graves conséquences, des sanctions, des amendes ou des litiges, lesquels peuvent être assez importantes pour mettre en péril l’existence d’une organisation. La non-conformité peut aussi avoir pour effet de miner la crédibilité de l’employeur auprès des employés, compliquer les relations de travail et affecter l’image et la réputation de l’organisation.

Adopter une approche proactive

On l’a dit, les règles sont nombreuses et en constante évolution, ce qui nous oblige à rester informés en continu pour éviter les risques de non-conformité. Le souci, c’est qu’encore trop d’employeurs adoptent une approche passive, par exemple, en attendant d’être informés par un message publicitaire à la radio, à la télévision ou encore sur les réseaux sociaux.

Cependant, cette passivité augmente considérablement les risques de se retrouver en situation de non-conformité, risques qui pourraient être limités par une approche proactive.

Adopter une approche proactive est non seulement plus sûr, mais aussi plus efficace. Qu’est-ce que cela signifie ? La proactivité, c’est prendre en charge, être au-devant des enjeux et anticiper les besoins en matière de conformité de votre organisation. Plutôt que de réagir en urgence aux nouvelles obligations, pourquoi ne pas anticiper les besoins de votre organisation en matière de conformité?

Un professionnel RH compétent, qu’il s’agisse d’un conseiller en ressources humaines agréé ou d’un avocat spécialisé en droit du travail, veille à ce que l’employeur soit à jour concernant les nouvelles lois et règlements, le tout permettant de prévenir les risques avant qu’ils ne se transforment en problèmes.

Le professionnel RH joue un rôle clé dans la révision régulière des politiques internes et dans la formation continue des gestionnaires et des employés. Ainsi, les employeurs ne sont pas seulement conformes, mais ils créent également un environnement de travail respectueux, sécuritaire et aligné sur les meilleures pratiques.

Conclusion

La législation évolue en symbiose avec la société, s’adaptant continuellement aux réalités changeantes qui la composent. Dans un monde du travail en perpétuel changement, la conformité est devenue un enjeu crucial pour les employeurs québécois.

La conformité en matière de travail transcende la simple formalité légale ; elle représente un pilier de stabilité et de pérennité pour les organisations. À l’instar de la gestion de vos finances confiées à un comptable ou de vos contrats notariés à un notaire, le professionnel RH est un allié clé dans le succès de votre organisation. Ne laissez pas la conformité se transformer en source de stress ou de risque. Soyez proactif et confiez à votre expert RH le rôle de veiller à ce que votre organisation respecte les règles en vigueur.

Finalement, un sujet incontournable à surveiller est l’intelligence artificielle. Cette technologie s'intègre rapidement dans les environnements de travail. Il est donc plus que probable que le gouvernement intervienne et légifère afin d’encadrer ce phénomène. Nous resterons à l’affût de ce phénomène en fulgurante mutation.

 

[i] Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, LQ 2021, c 27

[ii] Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail, LQ 2024, c 4

[iii] Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, LQ 2022, c 14

[iv] Charte de la langue française, RLRQ c C-11

[v] Note de l'Éditeur officiel du Québec : « Le 12 août 2022, la Cour supérieure du Québec a suspendu, jusqu'à jugement final, l'entrée en vigueur des articles 5 et 119 de la Loi sur la langue officielle et commune au Québec, le français (2022, c. 14) qui modifie la Charte de la langue française (chapitre C-11) par l'ajout des articles 9 et 208.6. »

[vi] Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels, LQ 2021, c 25

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